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La culture des biotechs à l’épreuve du NASDAQ

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Catherine Porta, Cédric Adens et François Delrot

Par Catherine Porta, Associée, Responsable Global Assurance & Biotechnologies, Cédric Adens, Associé, Life Sciences et François Delrot, Senior Manager, intrapreneur Healthtek chez KPMG France.

 

Le NASDAQ attire l’élite mondiale des entreprises de technologies. Depuis 2013, 18 start-ups européennes spécialisées en biotechnologies de la Santé ont franchi le pas de la cotation au NASDAQ. La France compte pour sa part six pépites qui se sont introduites outre-Atlantique : DBV technologies, Innate Pharma, Erytech Pharma, Cellectis, Genfit et Inventiva. Ces six opérations représentent, selon KPMG, un montant total levé de 844m$, pour une moyenne de 141m$ par biotech.

D’autres pépites tricolores déjà cotées en France ont tenté leur chance mais ont jeté l’éponge en cours de route, faute d’un marché ou d’une fenêtre de tir favorable, avec des conséquences préjudiciables sur les cours de Bourse à l’annonce de la décision de retrait. Certaines d’entre elles s’« américanisent » (pour reprendre l’expression de Pierre-Henri Benhamou de DBV Technologies dans une interview de 2016) très tôt (Elio bioscience par exemple) pour prendre le pli, et comprendre les attentes du marché et des autorités américains. Mais aussi pour lancer leurs études cliniques directement aux US, de manière à s’imprégner au plus vite de cet environnement et des exigences spécifiques de ce marché.

Le NASDAQ est-il la panacée pour combler les difficultés de financement des biotechs françaises ?

L’introduction au NASDAQ représente une formidable opportunité de développement…

Elle permet de lever des montants beaucoup plus importants que sur les marchés européens notamment pour financer les phases 3 d’étude clinique, qui sont extrêmement coûteuses. Il existe malheureusement en France et en Europe très peu de fonds de capital-risque suffisamment dotés en capital pour financer des phases 3 de grande ampleur, bien que certaines structures se soient lancées récemment sur le segment du « crossover » (Sofimac, Sofinnova, etc.) pour accompagner les biotechs jusqu’au bout de leur développement. Cette manne financière se concrétise au moment de l’introduction en Bourse sur le NASDAQ car les montants levés sont à minima triplés par rapport à ce qui est observé sur Euronext, mais également au moment des levées de fonds « secondaires » intervenant plusieurs mois après l’introduction en Bourse.

Mais au-delà de représenter une poche de financement plus conséquente qu’en Europe, grâce notamment à une offre d’investisseurs plus profonde et plus dense, la présence aux US est indispensable pour toute biotech qui développe un médicament car les États-Unis restent le premier marché pharmaceutique mondial. Avec près de 40% du marché mondial, le marché américain représente une formidable opportunité de développement de la R&D grâce à un environnement propice à valoriser significativement des innovations de rupture, à la différence de l’Europe où il y a une pression forte sur les prix de vente des médicaments. Mettre un pied au plus tôt aux Etats-Unis permet aux biotechs de comprendre les attentes de la FDA, des investisseurs, des associations de patients et du marché dans son ensemble.

L’introduction au NASDAQ apporte également une plus grande visibilité aux biotechs, et améliore mécaniquement leur valorisation. La presse spécialisée et les investisseurs s’y intéressent davantage et il est courant de constater une hausse de la valorisation dans les mois qui suivent l’introduction en Bourse. Une fois introduites, les biotechs françaises deviennent internationales et s’alignent sur les mêmes niveaux de valorisation que leurs pairs américains. Les chiffres de KPMG confirment la théorie : les valorisations de ces biotechs ont été démultipliées dans les trois mois suivant l’introduction en Bourse, parfois sur des multiples de valorisation allant au triple.

…qui nécessite un changement complet de culture d’entreprise et une forte adaptation

Le principe selon lequel une implantation aux Etats-Unis « le plus tôt sera le mieux » se confirme mais cette étape structurante bouleverse l’organisation interne. En tant que start-ups, les biotechs françaises sont souvent construites autour d’un mode de fonctionnement « informel », privilégiant la prise de décision rapide à l’application de process et de procédures de compliance souvent jugés inadaptés et inutiles.

Avec des dirigeants – fondateurs, scientifiques et souvent issus de la recherche académique, cela peut être un vrai choc des cultures !

L’introduction en Bourse en tant que telle étant un processus très exigeant, les biotechs peuvent se retrouver dans une situation où elles ne sont pas suffisamment préparées, et où la culture d’entreprise n’est pas suffisamment mature pour absorber les exigences réglementaires qui sont colossales. La marche à franchir par rapport à leur point de départ est importante et peut même devenir infranchissable si les biotechs ne prennent pas la mesure de la transformation. Il est indispensable d’inculquer en interne la culture d’entreprise nécessaire pour évoluer dans un environnement fondamentalement différent.

De plus, l’implantation aux Etats-Unis implique très souvent la création d’une filiale localisée à Boston, au cœur du hub mondial de la biotech. Cela constitue une première forme de « décentralisation » et de délégation, alors que la prise de décision était auparavant centralisée au niveau des fondateurs.

Les biotechs doivent également garder à l’esprit que l’introduction au NASDAQ a un coût non négligeable et nécessite d’engager, au-delà de leur culture d’entreprise, les ressources nécessaires pour conduire la transformation. À titre d’exemple, le budget moyen « post-IPO » pour ce qui concerne les frais de conseils « corporate » et d’audit financier dépassent facilement le million d’euros par an (source KPMG).Mais l’extrême rigueur attendue et les coûts sont à la hauteur des valorisations.

L’adaptabilité étant au cœur du projet des biotechs françaises, il n’y a pas de doute à avoir quant à leur capacité à utiliser l’introduction au NASDAQ comme tremplin pour transformer leur innovation de rupture en véritable fleuron tricolore aux côtés de leurs pairs américains.